[Options n°653 janvier 2020 – P16]
Un élément constitutif de l’unité chez les électriciens et gaziers
Les origines de la spécificité
Si l’Ufict cible en premier lieu les Ingénieurs Cadres Techniciens et Agents de Maîtrise (ICTAM), ce sont en fait tous les salariés du secteur des industries électrique et gazière (IEG) qui sont concernés. En effet, si des questions sont parfois posées (et reposées) sur la pertinence d’un syndicalisme spécifique, il est un point sur lequel il convient d’insister, c’est celui du rassemblement et de l’unité. Car l’Histoire nous rappelle l’impasse qu’a constitué l’ouvriérisme ou le syndicalisme catégoriel. Les éléments qui suivent (il y en aura trois successifs) visent à mettre en évidence comment, dans différentes périodes complexes, l’existence d’un syndicalisme spécifique a été un facteur de rassemblement du personnel des IEG.
Aujourd’hui, tout le monde s’accorde à reconnaître que, dans notre société, les cadres constituent une couche particulière de salariés, une catégorie de la population active ayant ses propres spécificités. Mais cela n’a pas toujours été le cas, car cette couche sociale a évolué en nombre et dans son rôle, en fonction de l’évolution de la société dans son ensemble, en particulier sous l’action des changements de technologies, de l’entreprise et de son organisation.
Le syndicalisme spécifique facteur de rassemblement
A cet égard, comparées à d’autres industries, les IEG sont relativement jeunes. Avec l’évolution des forces productives, le gaz n’apparaît en France qu’au milieu du XIXe siècle, puis l’électricité quatre décennies plus tard. Progressivement, avec des évolutions technologiques importantes, ces industries connaissent une inversion du « poids » des ouvriers et de celui des ingénieurs et techniciens. Une tendance qui s’accélérera avec la nationalisation de 1946.
Création du GNC en juin 1937*
Outre la clairvoyance de « grands » Hommes comme Marcel Paul, Emile Pasquier et John Ottaway, la création du Groupement National des Cadres en juin 1937 puise objectivement ses racines dans les caractéristiques des IEG.
Pour bien appréhender cette question de l’unité, il faut considérer que, de la position qu’occupent les cadres dans la société, découle leurs rapports avec les autres catégories de salariés. Car avec l’évolution des forces productives, du capitalisme, la position des cadres devient complexe. Le travail de direction, de surveillance (au sens de la relation de vente et d’achat de la force de travail et de production de valeur) va lui-même progressivement devenir un travail salarié. Ainsi, les conditions d’apparition des cadres tendent à les opposer aux ouvriers, et par là même à leur syndicalisme de classe. Le patronat se dissimule derrière eux, dans les rapports de production. L’exploitation de la force de travail engendre de ce fait une situation conflictuelle.
Avec le développement du capitalisme, la population cadre va se modifier, se transformer, se diversifier et cela perdure aujourd’hui encore dans la phase de libéralisme du capitalisme. Cette transformation est tout à la fois quantitative et qualitative, et pour grossir, le groupe de cadres va « s’alimenter » en recrutant dans les autres groupes sociaux.
* En plis de la création d’un syndicalisme cadre, c’est au congrès de 1937 que s’est formalisée la revendication d’un Statut national et la nécessité de la nationalisation.