Index Ega Pro : le grand scandale de l’inégalité

Il faut aller au-delà de cet outil pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes.

Réduire les discriminations de genre est une priorité pour la CGT, et cela devrait aussi l’être pour les entreprises, puisqu’elles ont l’obligation de publier leur index annuel d’égalité professionnelle. Mais ce dispositif est plutôt un outil de communication qu’un véritable engagement à révéler l’ampleur des inégalités systémiques.

Cet index instauré en 2018 n’a pas rempli toutes ses promesses

C’est grâce aux mobilisations syndicales, notamment celles du 8 mars, que cet index a été instauré en 2018 dans le cadre de la loi : « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel ». Il mesure l’écart de rémunération entre les sexes, la parité en matière de promotions et la répartition des augmentations individuelles.

Un bilan mitigé et des critiques persistantes

Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a remis un rapport à la Ministre du Travail en mars 2023, indiquant que « l’index français n’a pas rempli toutes ses promesses ». Car sur plus de 35 000 entreprises concernées, seules 18 470 calculent l’index de manière pertinente, soit seulement 53 % des salariés du secteur privé. Et elles ne sont que 2 % à atteindre le score dec100/100, selon une enquête menée par Le Monde, tandis que 5 % affichent une note inférieure à 75/100, les obligeant théoriquement à prendre des mesures correctives.

« L’index a permis de blanchir les entreprises en matière d’égalité salariale » (Sophie Binet)

Pourtant, malgré une obligation de résultats assortie de sanctions, seules 19 pénalités financières ont été effectivement appliquées en 2023, pour un total dérisoire de 140 000 euros en 6 ans. Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, « l’index a permis de blanchir les entreprises en matière d’égalité salariale alors même que des écarts persistent ».

Résistances et opacité : des freins majeurs

Trop d’entreprises continuent de faire preuve d’opacité sur leur index et plus de 20 % de celles qui y sont assujetties n’ont pas publié leur bilan pour 2023, dont des grands groupes qui n’ont jamais déclaré d’index.

Plus de 20 % des entreprises assujetties à cet index n’ont pas publié leur bilan 2023

Certaines affichent des écarts flagrants et déclarent que leurs salariées gagnent 10 % de moins que leurs homologues masculins à poste équivalent. D’autres, comme Natixis ou HSBC, obtiennent une note de 0/10 sur le critère des hautes rémunérations avec moins d’une femme parmi leurs dix salariés les mieux payés.

Aller vers un index plus contraignant

Face à ces défaillances, des voix s’élèvent, dont celle de la CGT, pour revoir les ambitions de cet index à la hausse. Le HCE préconise une seconde version plus ambitieuse, intégrant notamment les primes, la répartition des temps partiels et la lutte contre les violences sexistes. Il faudrait aussi évaluer de façon plus précise la répartition des genres dans chaque tranche salariale, ainsi que comparer des emplois de « valeur égale » pour mieux prendre en compte la sous-valorisation des métiers à prédominance féminine. Cette réforme pourrait s’inscrire dans le cadre de la future directive européenne sur la transparence salariale, que le gouvernement s’est engagé à transposer “dans les plus brefs délais”…

Vers un index syndical plus ambitieux comme au BRGM

En 2021, lors de la négociation sur l’égalité femmes-hommes, la CGT du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) a constaté les insuffisances de l’index national et a revendiqué un index spécifique plus ambitieux. Malgré le refus initial, la CGT a mis en place son propre index, plus contraignant, qui intègre des critères inspirés de l’index national mais avec des ajustements significatifs. Ce nouvel index inclut des indicateurs supplémentaires comme l’emploi précaire.

L’index BRGM inclut des indicateurs supplémentaires comme l’emploi précaire

Grâce aux bilans sociaux, la CGT a pu effectuer des comparaisons rétrospectives depuis 2018. Alors que l’index national du BRGM variait entre 93/100 et 88/100, l’index syndical oscillait entre 65/100 et 70/100 et progressait légèrement jusqu’en 2021, mais se dégradait en 2022,
année marquant un recul des promotions féminines et une stagnation des avancées observées. Ce tassement est en grande partie dû à une baisse des promotions accordées aux femmes en 2022, exacerbant leurs difficultés quotidiennes dans les processus décisionnels et contribuant à des comportements de « mansplaining » (condescendance mal venue des hommes vis-à-vis des femmes) et à de petites violences quotidiennes. Des cas de harcèlement sexuel ont également été rapportés, soulignant la nécessité d’actions éga pro plus fermes.
La CGT du BRGM prépare actuellement de nouvelles négociations pour inscrire des objectifs clairs qui viseraient un index national de 100/100 et une égalité d’accès aux responsabilités. Elle revendique de mettre en place son index spécifique, qu’elle continuera à publier et à améliorer (il inclut désormais les temps partiels conformément aux recommandations de la Confédération CGT) ou à défaut d’entamer une réflexion approfondie sur le sujet.

Des alternatives pour promouvoir l’équité

La CGT préconise d’explorer des approches complémentaires à l’index national pour mieux cerner les inégalités de genre dans les entreprises : cartographier de manière systématique les domaines où persistent les disparités (pour cibler les actions prioritaires), mandater des audits d’experts indépendants (pour identifier les points à améliorer et proposer un plan d’actions adapté), combiner les mesures quantitatives avec des enquêtes qualitatives (pour appréhender les dimensions culturelles et structurelles favorisant les inégalités), encourager une transparence salariale volontaire de la part des entreprises, en publiant leurs écarts de rémunération entre les genres.

Les revendications CGT pour l‘égalité au travail

• Supprimer les écarts injustifiés de rémunération en appliquant rigoureusement le principe fondamental : “A travail de valeur égale, salaire égal”.
• Lutter activement contre les discriminations et les stéréotypes de genre par la prévention, la sanction des violences sexistes, et la formation continue des salariés.
• Mieux concilier vie professionnelle et personnelle, via un accès renforcé aux services publics de garde d’enfants et d’aide aux personnes dépendantes, la promotion du télétravail et un partage équilibré des congés parentaux.
• Garantir une représentation paritaire au sein des instances décisionnelles et promouvoir l’égal accès des femmes aux postes à responsabilités.

La mobilisation syndicale reste la clé

Face aux lacunes persistantes et au-delà des outils législatifs, c’est par la mobilisation syndicale que progressera concrètement l’égalité professionnelle. L’exemple du BRGM, où la CGT a mis en place son propre index, plus contraignant, démontre l’importance de l’action locale pour prouver les lacunes du dispositif national. C’est en conjuguant un cadre législatif renforcé avec une mobilisation syndicale déterminée, que nous irons vers une véritable égalité salariale et professionnelle dans les entreprises françaises.

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