Le « management ». C’est un terme qui s’est imposé depuis longtemps dans nos organisations de travail, et avec lui sont arrivés des modèles anglo-saxons plus souvent subis que choisis par les encadrants…
Une des définitions du management pourrait être : l’ensemble des techniques visant à la gestion, l’organisation, l’administration d’une entité. Si des formations au management existent (sur la gestion, la finance, les techniques commerciales, le droit…), il n’en demeure pas moins que « manager une équipe »
- C’est-à-dire encadrer des salariés
- N’est pas une science exacte.
L’exercice est beaucoup lié à la personnalité et aux qualités propres à chaque salarié même s’il y a des impondérables à connaître et à maîtriser : communiquer, évaluer, réguler, être équitable…
Des études alarment sur l’état psychologique des managers
Anxiété, fatigue, moral en berne, idées noires, burn-out… selon le site de recrutement pour les cadres « Cadremploi », plusieurs études récentes soulignent ces problèmes de santé mentale spécifiques aux managers. Mais qu’est-ce qui déboussole à ce point ces encadrants ? Une surcharge de travail, ou bien le travail hybride, le « trop » de process ou la montée de l’individualisme qui impactent au final leur santé ?
1/4 des cadres estiment leur santé mentale dégradée
En septembre 2022, 1/4 des cadres estimaient leur santé mentale dégradée ces deux dernières années (étude Apec : « Comment vont les cadres »). Ils expriment un sentiment de surcharge (55 % d’entre eux), d’épuisement professionnel (54 %) ou de stress intense (54 %). « Les cadres se sentent déboussolés et leurs employeurs nous missionnent de plus en plus » confirme, nullement étonné, Gurvan Collin, Directeur de Gestion et Prévention de l’Absentéisme Initiatives. « Les demandes d’enquêtes en matière de risques psychosociaux (RPS) ont quadruplé entre 2021 et 2022 etcelles sur la qualité de la vie au travail (QVT) ont doublé sur la même période ».
L’augmentation du temps de travail est la 1ère cause d’une santé mentale dégradéedes cadres
Si la crise sanitaire n’est pas neutre sur la santé psychologique des salariés en général, pour l’Ugict-CGT : « C’est un long processus que l’épisode Covid a accéléré ». Elle estime que l’augmentation du temps de travail est la 1ère cause d’une santé mentale dégradée des cadres.
Le temps de travail des cadres explose dans le secteur de l’énergie
Le dernier sondage Ufict/Institut ViaVoice de 2023 place l’équilibre vie privée/vie professionnelle en 1ère priorité pour les cadres (pour 77 %d’entre eux). Pourtant, les cadres interrogés ont le sentiment que leur charge de travail (59 %) et leur temps de travail (47 %) ont augmenté depuis l’année dernière (c’était déjà le constat qu’ils dressaient en 2021 !). 46 % des cadres évaluent leur temps de travail à plus de 45 heures par semaine, dont 18 % à plus de 49 h ! Les conséquences sont directes sur la santé mentale des cadres interrogés, puisque près de la moitié considèrent être soumis à des RPS dans leur situation professionnelle, et que la surcharge de travail est citée par 52 % d’entre eux comme facteur de risque.
Temps de travail > à 45h/semaine pour 46% des cadres voire > à 49h pour 18% !
Enfin, un tiers des cadres considèrent que les pratiques managériales se sont plutôt détériorées au cours de l’année écoulée.
Des méthodes déstabilisantes pour certains salariés
Dans cette période post-Covid, nous vivons un bouleversement inédit des organisations de travail et des modes de management qui fait dire que la pandémie a percuté tout autant la société que les rapports dans l’entreprise. De nouvelles formes d’organisation accentuent l’« autonomie », avec, pour corollaire une forme d’autorégulation des salariés, mais où les employeurs oublient, parfois, leur rôle de régulation et d’arbitre.
Dans ces conditions, quelle forme prendra le management de demain ? Et quel sera le rôle des managers ?
Dans ce nouveau contexte de travail, c’en est fini, a priori, de la culture du présentéisme. Les maîtres mots sont maintenant : autonomie et confiance.
L’Ufict-CGT, qui travaille depuis longtemps ces questions de management, d’évaluation ou de droit d’expression des salariés, s’interroge sur les collectifs de travail. Car depuis quelques années, les notions de management dit « collaboratif » et les projets d’équipe sont ainsi mis en avant.
Décider ensemble, sans le manager qui « s’efface »…
Ce management collaboratif, combinant confiance et autonomie, plus « participatif », fait suite à une période de management vertical : les salariés sont invités à s’impliquer fortement dans la prise de décisions et désormais, il s’agit d’aller encore plus loin : décider ensemble, sans le manager qui« s’efface »…
Des expérimentations de cette « entreprise libérée » concernent par exemple des agents qui décident en autonomie qui doit avoir des augmentations salariales dans l’équipe, ou qui choisissent le meilleur candidat pour être leur responsable… Cette volonté de souplesse et d’autonomie est-elle au service du « bien-être » et de la motivation des salariés, ou tout simplement au service de la rentabilité et de la productivité ?
Ce management, où le manager « s’efface », arrive dans les grandes entreprises de l’énergie
A EDF (achats, ingénierie), Engie, Enedis… les démarches collaboratives démarrent toujours autour de la définition des missions de l’équipe, des valeurs « partagées » (souvent autonomie, mais aussi indulgence, bienveillance, empathie, loyauté, honnêteté), de règles du jeu qui « obligent » chacun à se dévoiler (mettant certains salariés en difficulté… alors que d’autres parviennent à tirer la couverture à eux).
A Engie, un chef de projet R&D parle plutôt de « management participatif », mis en place de façon assez naturelle. « Il devenait clair que les nouvelles méthodes de développement de logiciels, imposant une forte réactivité afin de suivre les rapides évolutions technologiques, ne pouvaient pas être mises en œuvre via un management pyramidal trop rigide. Ainsi, un management participatif a été mis en place, car particulièrement adapté au pilotage de petites équipes projet (4 à 5 personnes). Pour des équipes plus conséquentes, le retour à un management plus pyramidal me semble incontournable. Car l’acceptabilité de ce type de management varie suivant les salariés, et le manager doit rapidement identifier les personnes désemparées et celles qui s’y intègreront sans difficulté et sans impact sur leurs activités. Globalement, cette nouvelle méthode de travail a été plutôt bien acceptée, mais elle reste très déstabilisante pour certaines personnes ».
Les managers ont, certes, un rôle d’information descendante, mais aussi d’alerte et de régulation
Ce qui est certain, c’est que les choses ont changé avec le numérique : facilement accessible, toujours présent, que l’on soit sollicité ou sollicitant, la disponibilité pour le travail s’est allongée… une sorte de « temps distendu » où les réunions s’organisent aisément, l’absence au bureau ne constituant plus un obstacle. Ainsi, les injonctions exigent des réponses immédiates et les tâches s’intensifient : une réunion en mode audio permet en parallèle de traiter un dossier, de consulter sa messagerie, voire de s’entretenir avec un collègue sur un sujet tiers… Chacun est confronté à son propre champ de contraintes, qu’il doit réguler lui-même. Le télétravail, même s’il reste vécu comme une réelle opportunité (souplesse, gains de temps de transport…), a participé – du fait de garde fous insuffisants – à l’intensification du travail.
Chacun est confronté à son propre champ de contraintes, qu’il doit réguler lui-même
Dans ce contexte, l’Ufict-CGT ré-investit donc le sujet des managers, en particulier des managers de proximité ou de première ligne (MPL). Car leur rôle est remis en cause, alors que les entreprises leur ont demandé de développer de nouvelles capacités d’animation, souvent avec pour unique formation quelques modules d’e-learning.
L’Ufict réaffirme les 4 rôles essentiels des managers : un relais d’information descen- dant et ascendant (souvent oublié car le manager doit aussi remonter des alertes du terrain), l’appui et l’expertise auprès de l’équipe, le dialogue (pour évaluer, reconnaître et prévoir), l’organisation des activités au quotidien (ce qui inclut évidemment le rôle de régulation et d’arbitre).