Nucléaire : une filière sous haute tension

Comme dans de nombreux autres métiers il faut attirer les talents…

EDF, en voie de renationalisation/étatisation complète, est aussi sous pression de l’État pour augmenter sa production d’électricité nucléaire, qui, en 2022, a été au plus depuis 30 ans (279 TWh). Pour augmenter les kWh, soutenir la filière nucléaire nationale, décarboner les usages, le gouvernement français a demandé à EDF de lancer un programme de 6 nouveaux réacteurs neufs de type EPR2, tout en optimisant le parc nucléaire existant afin de redresser sa production électrique.

Les enjeux de recrutement et de formation sont immenses

À l’horizon 2033, ce sont plusieurs dizaines de milliers d’emplois à recruter, dans un contexte de maintenance du parc nucléaire existant qui se transforme depuis déjà plusieurs années, pour prolonger sa durée de vie, tout en intégrant les aléas de l’outil industriel. Car la filière est déjà en tension en termes de ressources et nombreuses sont les difficultés de recrutement et d’attractivité.

Plusieurs dizaines de milliers d’emplois à recruter

Des ouvriers aux ingénieurs, des donneurs d’ordres aux sous-traitants, l’enjeu est majeur pour l’avenir énergétique de la France, et la concurrence est féroce au sein de l’industrie. Les soudeurs par exemple sont très demandés sur les chantiers navals, l’aéronautique, l’industrie militaire, mais aussi à l’international qui offre de belles opportunités de carrière. Le domaine de l’énergie n’est pas en reste, avec de nombreux nouveaux projets aussi bien en neuf qu’en rénovation.

Faire face à tous ces besoins constitue donc un défi qu’il va falloir relever

Il y a déjà urgence à construire et dynamiser les filières de formation afin de former une nouvelle génération de professionnels qui renfonceront demain les entreprises. Formations spécialisées, collaboration avec les écoles et universités : il faut informer les jeunes au plus tôt, dans les collèges, lycées… sur les nombreux métiers et les perspectives d’emplois et de carrières car l’école a un rôle déterminant par sa capacité à orienter et à former.

La filière nucléaire s’engage à former et à recruter tout en offrant de nombreuses opportunités

Mettre en place des écoles de métiers, renforcer l’alternance en entreprise, les reconversions : ce sont tous ces niveaux qu’il faut mobiliser en redonnant du sens aux métiers de l’industrie, de l’ouvrier à l’ingénieur sans oublier les métiers tertiaires. Car la filière nucléaire s’engage à former et à recruter tout en offrant de nombreuses opportunités pour celles et ceux qui souhaiteront contribuer à la production d’énergie décarbonée du futur en France.

Nos entreprises seraient-elles en perte d’attractivité ?

C’est une question centrale pour recruter, et bien recruter. Car si la rémunération, dans un contexte d’inflation, reste un élément déterminant, ce n’est pas le seul. L’équilibre vie professionnelle/vie personnelle, la sécurité de l’emploi, le statut ou la convention collective… tous ces éléments pèsent dans la balance au moment de faire son choix d’embauche, mais aussi tout au long de sa carrière. Et dans un contexte de turnover amplifié par la demande, attirer des salariés, les former ne suffit pas. Il faut aussi les garder en valorisant leurs parcours et compétences… Tout cela compte dans une filière prévue pour durer 80 ans (la durée visée pour les EPR2), sans oublier la culture d’entreprise : diversité, éthique, place des femmes… qui sont aussi des aspects pris en compte par les candidats.

Mener aussi un effort de recherche et d’innovation

C’est aussi un enjeu et un critère de réussite. Les technologies futures de production d’électricité tels les Small Modular Réactors (SMR), les neutrons rapide (ASTRID) ou encore les réacteurs à Fusion Thermonucléaire (ITER) sont appelées, à plus ou moins long terme, à répondre aux défis énergétiques de demain. Mais la recherche, aussi, a été abîmée et il faut reconstruire des conditions d’excellence et savoir recruter (et garder) les compétences qui porteront ces technologies demain.

Une vision industrielle claire pour retrouver la confiance des salariés

C’est ce qui a fait toute la force des entreprises de l’énergie pendant des années, mais qui a été mis à mal par le manque de vision et d’anticipation des gouvernements successifs.

Ainsi, il n’y a pas si longtemps, promouvoir le nucléaire était un non-sens, une voie sans issue (fermeture de Fessenheim, réduction de la part du nucléaire à 50 % du mix énergétique).
Mais les tensions géopolitiques ont inversé cette tendance : la souveraineté énergétique et l’indépendance industrielle ont été remises au goût du jour. Pourtant, à EDF, la « conduite du changement » a mis à mal son modèle intégré, réduisant son attractivité particulièrement pour les emplois expérimentés. Réformes de structures, plan de départs de salariés, découpage des entreprises… tout ou presque a contribué à une perte de compétences, là où, dans les années 1990, EDF et les entreprises du nucléaire mettaient sur le réseau 3 tranches par an !

La réponse aux enjeux est donc en partie politique, mais pas seulement

Exiger l’excellence des salariés passe nécessairement par l’adhésion aux projets d’organisations qui sont de la responsabilité des dirigeants des entreprises : ils doivent afficher une vision industrielle claire, tout en mettant l’humain au cœur de ces enjeux. Car la réussite industrielle passera par une politique fiable et inscrite dans la durée. Il faut donc que l’État crée les conditions pour engager un investissement nécessairement sur le long terme, en impliquant l’ensemble des acteurs, de l’éducation à l’industrie. Mais aussi et surtout, il faut remettre l’humain au cœur des process, avec une communication transparente vis-à-vis du grand public, par exemple sur la question des déchets, sur l’innovation… La confiance avec les salariés doit être retrouvée, et pour cela il faut surtout se donner les moyens d’un dialogue social de qualité, en opposition aux monologues imposés à grand renfort de textes ou d’ordonnances.

Il faut remettre l’humain au cœur des processus

La CGT exige aussi l’excellence, aussi bien en termes d’organisation que sur le volet social, pour accompagner les changements à venir. Les salariés ne doivent plus subir les conséquences de tous ces choix mais agir en amont, en intervenant sur les processus de décisions pour satisfaire leurs revendications. C’est ainsi que doit se construire le paysage industriel de la filière industrielle de demain.

Les salariés ne doivent plus subir les conséquences mais agir en amont sur les processus de décisions

Quand on vise le meilleur, cela se paye, n’en déplaise à nos PDG, banquiers ou au gouvernement. Car ce sont les salariés, femmes et hommes, qui font la richesse de l’entre- prise et la richesse, cela se partage. À ce titre, nous ne pouvons que regretter que les revendications portées par la CGT soient, trop souvent, décriées par les directions, que ce soit sur les niveaux d’embauche, les classifications, la formation, l’alternance, la reconnaissance des parcours professionnels… Elles font cruellement défaut, aujourd’hui, pour attirer les jeunes à EDF.

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