Sécheresse salariale et débordement social au BRGM

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Un mouvement qui s’inscrit dans la durée et qui pourrait converger avec ceux d’autres EPIC, voire au-delà…

Le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) est, depuis 1959, l’Établissement Public à caractère Industriel et Commercial (EPIC) de référence pour la connaissance du sol et du sous-sol. Ses salarié∙e∙s sont en lutte depuis maintenant plusieurs mois pour un rattrapage salarial. Car les salaires y sont inférieurs de 10 à 15 % en moyenne par rapport aux autres EPIC, et de 25 % par rapport au marché. De plus, l’augmentation annuelle maximale de la Rémunération Moyenne des Personnels en Place (RMPP) est soumise à un cadrage des tutelles ministérielles.

Jusqu’en 1996, les agents bénéficiaient d’une grille salariale

Toute embauche correspondait à un point d’entrée en relation avec le diplôme, l’expérience et l’emploi occupé, avec une progression a minima connue d’avance grâce au Glissement Vieillesse Technicité (GVT). L’enveloppe annuelle d’augmentations était distribuée via la revalorisation du point d’indice, le GVT et l’avancement individuel. Mais ce référentiel a été abandonné lors de la mise en place du règlement général de 1996, approuvé par la CFDT et FO (qui n’est plus représentative aujourd’hui). Il a fait place à un système qui se voulait favoriser « l’avancement au mérite ». Un quart de siècle plus tard,

Le résultat est catastrophique ! A titre d’exemple, les salaires des technicien∙ne∙s avec un niveau d’étude Bac+2/Bac+3, se rapprochent du SMIC, années après années.

Des Bac+2/Bac+3 qui se rapprochent du SMIC, années après années

  • Au milieu des années 2000, les syndicats se sont mobilisés pour obtenir un rattrapage salarial

Les tutelles n’ont tenu qu’à moitié leur promesse de revalorisation salariale. La direction a alors « repris en main le dossier », ce qui a abouti en 2005 et 2006 à un « rattrapage » non seulement partiel, mais aussi injuste puisqu’il a profité, d’abord, aux plus hauts salaires. La moitié des salarié∙e∙s a été oubliée et, au fil des ans, l’exaspération n’a fait que croître.

  • En 2021, l’intersyndicale a alerté les tutelles

Des rencontres ont alors eu lieu avec des conseillers du Ministère de la Recherche et de Bercy… avec de belles paroles à la clé. L’année suivante, l’intersyndicale a convoqué une assemblée générale (AG) du personnel en avril. Une pétition, signée par deux tiers des salarié∙e∙s, a été envoyée aux tutelles. Une manifestation a eu lieu en juin 2022 sur le site d’Orléans à l’occasion du Conseil d’Administration (CA), rassemblant 20 % de personnel du site d’Orléans, avec une intervention des administrateur∙rice.s salarié∙e∙s. Pour l’occasion, la CGT avait aussi mobilisé ses adhérent∙e∙s absent∙e∙s du site (antennes régionales, télétravail…) via une connexion en visio. Deux autres nouveaux rendez-vous, avec les tutelles, n’ont abouti à aucun résultat. Face à ce déni, la CGT, début 2023, a voulu impulser une AG intersyndicale du personnel, mais n’a pas été suivie par les deux autres syndicats représentatifs (CFDT et CFE-CGC). En juin, lors d’un CA qui s’est tenu à Orléans, un nouveau rassemblement a été organisé par l’intersyndicale, avec une interpellation des administrateur∙rice∙s par les représentant∙e∙s des trois syndicats. Un communiqué de presse a été diffusé. La mobilisation « à distance » a été cette fois massive, alors qu’elle n’était qu’embryonnaire l’année précédente. En seconde partie d’été, la CFDT a contacté la CGT pour mettre en place une action visant à perturber les comptes-rendus d’activité. La CGT a alors conditionné sa participation à la tenue d’une AG du personnel début septembre, coïncidant avec l’arrivée de la nouvelle présidente du BRGM. Si la CFE-CGC, qui n’approuvait pas cette action, est restée à l’écart dans un premier temps, au final, l’AG a bien été portée par les trois syndicats rassemblés. Elle a voté en faveur d’une perturbation des comptes-rendus, mais beaucoup plus forte que telle que proposée par l’intersyndicale. Le principe d’une mobilisation à Paris a aussi été acté.

  • Une mobilisation à Paris à l’occasion du CA du 6 octobre 2023

L’intersyndicale avait appelé à un arrêt de travail et une délégation d’une cinquantaine de collègues s’est rendue à Paris, « envahissant » de nouveau, avec les représentant∙e∙s salarié∙e∙s, la salle du CA et prenant la parole devant les tutelles. La mobilisation à distance a été massive, avec des centaines de connexions et un taux de grévistes estimé à 40 % par la direction elle-même. Les tutelles ont alors organisé, en urgence, une rencontre en novembre 2023 avec une délégation de l’intersyndicale au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique. Une fois encore, malgré le fait que l’intersyndicale ait demandé aux tutelles des engagements concrets et non plus des bonnes paroles, cette réunion n’a été suivie d’aucun effet à ce jour, ni même d’aucun signe de vie !

  • Un mouvement qui s’inscrit dans la durée

Ainsi, le 30 novembre dernier, l’intersyndicale a convoqué une nouvelle AG du personnel qui a voté la poursuite du mouvement. Alors que la direction du BRGM misait sur son essoufflement, celui-ci s’inscrit donc dans la durée et menace de se durcir.

La mobilisation « numérique » est parfaitement pertinente

La mobilisation est devenue plus visible pour l’extérieur,avec des banderoles à demeure, des messages systématiques inclus dans les signatures d’emails, des fonds d’écran aux couleurs de l’intersyndicale… Une nouvelle journée d’action a eu lieu le 8 décembre lors d’un nouveau CA à Paris, mais cette fois-ci uniquement en visio. Les quelques 30 % de grévistes ont écouté les administrateur∙rice∙s élu∙e∙s lire une motion, puis ont improvisé une AG de deux heures, en visio, qui a rassemblé environ 20 % des agents pour discuter de la poursuite du mouvement et des futures actions.

  • Une mobilisation qui se poursuit et qui devra s’amplifier

Quelques enseignements peuvent déjà être tirés. La mobilisation « numérique » est parfaitement pertinente, compte tenu de la sociologie des salarié∙e∙s du BRGM. Elle ne nuit en aucune façon à l’action collective, bien au contraire ! La direction du BRGM évalue désormais le taux de grévistes, et donc le rapport de force, en additionnant les manifestant∙e∙s visibles et le nombre de connexions ! Par ailleurs, l’idée de grève comme moyen d’action, qui était un tabou au BRGM jusqu’à il y a quelques années, ne l’est plus. En revanche, les rendez-vous et courriers adressés aux tutelles ont montré leur inutilité s’ils ne sont pas appuyés par un vrai rapport de force. La présidente du BRGM, elle-même, qui affirme comme sa prédécésseuse être « de notre côté », a récemment déploré que ses alertes auprès des tutelles restent, elles aussi, sans réponse…

La grève comme moyen d’action n’est plus un tabou

La seule issue pour vaincre ce mutisme et ce mépris des tutelles sera d’amplifier le rapport de force, et le collectif CGT des EPIC de recherche (CEA, CIRAD, IFREMER…) a toute sa place à prendre. Coordonner, aux mêmes dates, des actions conjointes dans les différents EPIC, et pourquoi pas l’étendre à d’autres établissements publics qui ont des statuts différents (Météo France, EPST…) aurait un impact national et médiatique beaucoup plus important… susceptible de faire bouger les lignes et de satisfaire, enfin, les revendications des personnels.

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