[Options N°650 – octobre 2019 – P 14-15] Le système universel de retraite à point voulu par le gouvernement n’a qu’un seul but : plafonner la part des retraites dans le PIB au détriment du montant des pensions.
Deux certitudes ressortent de la publication des préconisations pour « un système universel de retraite » de Jean-Paul Delevoye. La première porte sur le plafonnement des ressources allouées aux retraites à 14% du PIB, contre 13,8% aujourd’hui. La deuxième concerne la croissance démographique : dans ses dernières projections, l’INSEE prévoit une augmentation de plus d’un tiers du nombre de retraités d’ici 2050, en raison du papy-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie.
Il est donc évident que privé de ressources supplémentaires, le nouveau système connaîtrait un réajustement à la baisse du niveau des pensions.
Quelle valeur du point au moment de faire valoir ses droits à la retraite ?
Pour atteindre le véritable objectif de cette réforme, à savoir figer les ressources à leur niveau actuel, le gouvernement entend instaurer un système de retraite à point. Ensuite, plus besoin de nouvelle réforme : il suffira d’adapter, de façon automatique, la valeur de service du point autant que de besoin en fonction de la conjoncture économique et démographique, pour garantir l’équilibre financier. Ce serait donc le moyen idéal pour imposer l’austérité, car la valeur du point baisserait au fur et à mesure de l’augmentation du nombre de retraités.
Pour mieux nous duper, le gouvernement enrobe son projet avec sa formule « 1 € cotisé donnera les mêmes droits pour tous ». Mais il manque une information essentielle dans ce slogan : à combien s’élèveront ces fameux droits ?
Plafonnement des retraites + Augmentation des retraités = Baisse du niveau de pensions
Il ne s’agit pas d’un oubli mais de la véritable inconnue du nouveau système proposé par Jean-Paul Delevoye. La valeur de service des points sera déterminée uniquement au moment du départ en retraite, en fonction de la situation économique et démographique. Nous connaitrons bien en permanence le nombre de points cumulés, mais sans savoir le montant de pension auquel il nous donnera droit.
Aujourd’hui notre système fonctionne à prestations définies pour garantir un niveau de pension de l’ordre de 75% pour une carrière complète tous systèmes confondus
Orienter les salariés vers la capitalisation
Dans l’hypothèse d’une croissance du PIB de 1,3%, le rapport du 14 juin 2018 du Conseil d’Orientation des Retraites (COR) prévoit que la pension nette moyenne en 2050 ne représenterait plus que 50% du revenu d’activité net moyen, contre 65% aujourd’hui (tous régimes confondus).
Cette baisse générale des pensions aurait pour conséquence d’inciter les salariés à s’orienter vers l’épargne individuelle ou à réclamer le renforcement des dispositifs de retraite supplémentaire, pour le plus grand bonheur du gouvernement, des assureurs et des banquiers.
De plus, au regard des orientations européennes et de l’article 20 de la loi PACTE qui vise à accroitre l’attractivité des produits d’épargne retraite, cette baisse générale des pensions serait une belle opportunité pour justifier l’instauration d’un pilier obligatoire en capitalisation, afin de garantir un niveau de vie décent.
Tout cela balaye les promesses d’équité et de justice mises en avant par le gouvernement, et qui ne visent qu’à égarer les citoyens et les salariés afin de les orienter vers la capitalisation.
Dans les IEG, des baisses de 20 à 35% !
Dans les régimes actuels, les calculs sont basés sur les meilleures années : les derniers salaires pour la fonction publique et les régimes spéciaux, les 25 meilleures années pour le régime général. Dans les IEG, si les pensions étaient calculées sur l’ensemble de la carrière, cela aurait pour conséquence directe des baisses importantes des montants des pensions. Par exemple, pour la génération née dans les années 70 (2/3 de carrière en IEG, 1/3 en nouveau système), la baisse du montant de la retraite serait de l’ordre de 20 à 25%. Pour la génération des années 80 (40% en IEG, 60% en nouveau système), la chute serait de 30 à 35% !
Le gouvernement refuse de parler du financement
Selon le gouvernent il n’y aurait pas d’autre alternative : il refuse toute discussion sur le financement et préfère parler technique, simplification et équité, fustigeant au passage les « nantis » des régimes spéciaux. Pourtant les ressources existent. Pour preuve les entreprises versent des dizaines de milliards de dividendes à leurs actionnaires. Un meilleur partage des richesses est non seulement possible mais nécessaire : il est réclamé par les citoyens, les salariés et appuyé par de nombreux économistes.
La CGT travaille depuis des années, notamment dans le conseil d’orientation des retraites, pour étudier les évolutions et le financement possibles des retraites selon plusieurs scenarios.
Une pension en 2050 de 50% du revenu, contre 65% aujourd’hui ?
La CGT démontre qu’il est possible de financer un régime à prestations définies à 60 ans avec un taux de remplacement à 75% du dernier salaire, en dégageant des ressources supplémentaires :
- Supprimer les aides et les exonérations de cotisations (comme le CICE) inefficaces pour l’emploi,
- Soumettre à cotisations tous les éléments de revenus,
- Instaurer une cotisation sur les revenus financiers des entreprises,
- Augmenter les salaires et les cotisations au fur et à mesure des besoins (la part des salaires dans le PIB, y compris les cotisations, est de 10% inférieure à ce qu’elle était en 1980).
On ne peut que regretter l’absence d’unité syndicale sur un tel sujet, mais pour la CGT et son Ufict il n’est pas question de discuter de cette réforme régressive, ni de négocier un régime de retraite supplémentaire par capitalisation, inégalitaire avec tous les risques que cela comporterait. Il faut refuser la retraite à point et augmenter les recettes. Ce financement existe et c’est LE SEUL DEBAT à avoir.
Quelques exemples chiffrés :
Paul né en 1971, embauché dans les IEG en 1995 en NR 170, part en retraite en 2038 à 67 ans en NR 320.
Avec le régime actuel sa pension s’élèverait à 6 338 euros bruts.
Après l’application de la réforme sa pension serait de 5 102 euros*, soit une perte de 19%.
Nathalie, née en 1971, même profil de carrière que Paul. Elle a 2 enfants et part en retraite en 2035 à 64 ans.
Avec le régime actuel sa pension s’élèverait à 6 338 euros bruts.
Après l’application de la réforme, sa pension serait de 4 871 euros*, soit une perte de 23%.
Aurélie, née en 1985, embauchée dans les IEG en 2005, ne touche pas de primes. Elle a aussi 2 enfants, et part en retraite en NR 210 en 2047 à 62 ans.
Avec le régime actuel sa pension s’élèverait à 3 425 euros brut.
Après l’application de la réforme sa pension serait de 2 268 euros*, soit une perte de 33%.
* Ces calculs sont fondés sur des carrières linéaires, avec des primes de 15 % (sauf pour Aurélie) pendant toute la carrière, en tenant compte des paramètres du rapport du haut-commissaire aux retraites.