Pour maîtriser la reconnaissance de votre travail

Depuis plusieurs mois l’Ufict-CGT s’attaque à un travail sur la question de l’évaluation et de l’entretien individuel. Plusieurs initiatives et matériels ont été réalisés pour questionner et informer les salariés.

C’est de ce travail qu’est née l’idée de rédiger ce guide pratique.

Il est utile pour mieux préparer les entretiens d’évaluation et pour connaître ses droits et les bases légales de ce que l’on peut faire ou non.

C’est également un document qui apporte des éléments de réflexion pour sortir d’une situation où l’entretien individuel est vécu trop souvent comme un passage obligé. Moment formel pour l’évalué, qui ne répond pas aux attentes en termes de reconnaissance et d’évaluation du travail réellement réalisé. Exercice contraint pour l’évaluateur, qui doit opérer dans un cadre formel imposé.

On sait que le travail au quotidien comprend tout ce qui n’est pas prescrit : les difficultés rencontrées, les charges de travail imprévues et surtout, l’apport de chacun dans un collectif de travail et son environnement. Ce guide vise aussi à engager le débat sur la question du travail, sa qualité et sa finalité puisque l’entretien individuel s’inscrit plus largement dans la réflexion sur le travail.

Côté juridique

L’évaluation reste peu encadrée par les conventions collectives et le Code du travail. La jurisprudence y joue donc un rôle essentiel. Les actions judiciaires engagées par les syndicats CGT de plusieurs entreprises ont permis de proscrire certaines dérives et de mieux encadrer les pratiques. Par contre, son caractère quasi obligatoire semble désormais acquis.

L’employeur a le droit d’évaluer le travail…

L’employeur tient de son pouvoir de direction, né du contrat de travail, le droit d’évaluer le travail de ses salariés. A contrario, l’absence d’une évaluation pour un salarié constitue un indice de discrimination. Le boycott est donc à proscrire et tout refus de se rendre à la convocation de l’entretien peut avoir de graves conséquences.

Toutefois, l’employeur a le droit d’évaluer le travail de ses salariés sous réserve d’utiliser un dispositif d’évaluation qui ait été porté préalablement à la connaissance des salariés.

Le boycott est à proscrire

Suivant l’article L1222-2 et L1222-3 du Code du travail,

« le salarié est expressément informé, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d’évaluation professionnelles mises en œuvre à son égard. Les résultats obtenus sont confidentiels. Les méthodes et techniques d’évaluation des salariés doivent être pertinentes au regard des finalités poursuivies ». L’article L1222-4 précise : « aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté à sa connaissance ».

Les résultats obtenus sont confidentiels

Les réponses apportées dans l’entretien doivent également être de bonne foi et l’article L.1222-2 du Code du travail prévoit : « les informations demandées, sous quelque forme que ce soit à un salarié, ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité et ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’évaluation des aptitudes professionnelles  ».

Selon le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nanterre du 5 septembre 2008, les critères d’évaluation des salariés doivent être objectifs et transparents. Ils sont illicites s’ils sont flous et détachés de toute effectivité du travail accompli. Il en va ainsi de critères comportementaux trop généraux comme « n’adhère pas aux valeurs de l’entreprise » ou encore « envie et passion pour l’atteinte des résultats  »… De tels critères exposent l’employeur à des sanctions juridiques telles que le non respect des droits individuels ou de la jurisprudence sur la précision et l’objectivité des critères. Toute évaluation ou mesure de gestion basée sur l’état de santé d’une personne est illégale.

… et les salariés ont des droits

S’il est une prérogative de l’employeur, l’entretien amène également des droits aux salariés dont celui d’obtenir un déroulement de carrière normal.

En effet, le salarié peut, par le biais de son entretien d’évaluation, faire valoir sa qualification, son expérience et son savoir faire. L’obligation de bonne foi réciproque est imposée par le Code du travail (article L.1222-1).

Enfin, le Comité d’Etablissement doit être informé et consulté lors de la décision et à la mise en œuvre dans l’entreprise, des moyens et techniques contrôlant l’activité des salariés. Le CHSCT est avisé et consulté préalablement à la décision de mise en œuvre.

Si vous considérez que les entretiens tels qu’ils sont pratiqués dans votre entreprise sont illicites, par exemple du point de vue des critères d’évaluation comportementaux, de l’absence de consultation préalable du Comité d’établissement ou du CHSCT, ou encore parce que le dispositif d’évaluation n’a pas été porté à votre connaissance, alors, parlez-en à vos représentants Ufict-CGT.

Côté pratique

Une certaine désillusion est en train de gagner les salariés en ce qui concerne les entretiens individuels. En effet, vous êtes nombreux à exprimer le sentiment de ne pas être entendus sur l’appréciation que vous portez sur le travail, d’être insuffisamment reconnus et déplorez l’absence de projet professionnel qui tracerait des perspectives de carrière.

Néanmoins, vous pouvez agir sur sa forme et son contenu en vous appuyant notamment sur le Code du travail, mais aussi en faisant appel à vos représentants du personnel CGT et Ufict-CGT et ainsi, vous approprier votre entretien.

Ce qu’il NE FAUT PAS faire

Refuser l’entretien : au contraire, préparez-le, demandez conseil, faites en sorte qu’il devienne VOTRE outil et un temps d’expression de vos exigences.

Vous auto-évaluer, car inconsciemment, vous aurez tendance à vous censurer et vous sous-estimer.

Réaliser, commencer, poursuivre l’entretien au « pied levé » ou à l’improviste.

Ce qu’il FAUT faire

Vous êtes en droit de refuser les entretiens par téléphone et de solliciter une rencontre, de disposer d’un délai de prévenance et du temps de préparation avec les documents préparatoires (descriptif d’emploi, lettre de mission, prévision de formation, grille de l’entretien…). Faites le bilan de l’année écoulée et mieux encore, partagez-le avec vos collègues.

Formuler et tracez vos commentaires

La loi impose des critères objectifs, donc argumentez sur tout ce qui vous paraît contraire à votre mission (manque de moyens, conditions d’exécution des missions et des conditions de travail, aléas survenus…). N’hésitez pas à mentionner le renvoi à un document (à annexer à l’entretien) que vous aurez rédigé relatant tout ce qui pose problème ; ainsi vous tracerez très concrètement auprès de votre management vos préoccupations relatives au travail, votre analyse des besoins et vos souhaits. Dans le même esprit, la loi interdit également l’évaluation comportementale. Seule l’aptitude à occuper le poste peut-être concernée par l’entretien d’évaluation.

En fin d’entretien

Prenez, si vous l’estimez nécessaire, un temps de réflexion pour compléter vos commentaires. Les syndicats CGT et Ufict CGT vous aideront à identifier et formuler d’éventuelles précisions.

Et si, malgré tout, votre entretien se passe mal

Si votre entretien d’évaluation ne se passe pas de façon constructive, courtoise ou objective, vous êtes en droit de ne pas signer, en mentionnant toutefois vos réserves, critiques et ce qui motive votre refus de signature. L’absence de contestation est considérée comme acceptation des critiques et carences mises en avant par l’employeur. Exprimez-vous donc de manière argumentée.

Vous pouvez également noter « j’ai pris connaissance des objectifs qui m’ont été assignés » avant votre signature : cela indique que vous connaissez vos objectifs mais que vous ne portez pas d’avis sur leur atteinte.

Si vous vous sentez en difficulté, en souffrance, n’hésitez pas à prendre contact avec un représentant du personnel et solliciter le médecin du travail pour le signaler. En effet, nous constatons trop souvent des dérives dans la tenue des entretiens, à la fois du fait de l’absence ou de la mauvaise formation des managers, de la pression exercée sur eux et des méthodes d’évaluation que les directions leur imposent d’appliquer.

L’entretien forfait jour : 

Pour les cadres au forfait jour, l’entretien forfait jour et celui d’évaluation ne sont pas de même nature. Les salariés en forfait jour disposent d’un entretien afin de veiller à une répartition entre la charge de travail et les objectifs avec les moyens dont ils disposent en termes d’organisation et de ressources. La justice rappelle de façon constante l’importance de cet entretien « spécifique » pour les salariés en forfait jour en lien avec la santé.

Si votre entretien est individuel, votre action doit être collective

Évaluer notre travail, c’est d’abord évaluer le travail d’un salarié partie prenante d’un ou de plusieurs collectifs de travail.

Pour la CGT, l’évaluation contient donc une dimension collective importante, aujourd’hui niée par la très grande majorité des processus à l’œuvre dans nos entreprises. L’action de l’Ufict-CGT vise à redonner toute sa place à cette dimension oubliée, en amont de l’évaluation individuelle, pour favoriser la reconnaissance du travail dans son exhaustivité : de l’individuel au collectif.

A cet effet, il faut que les salariés disposent d’espaces de discussion et d’élaboration qui ne soient pas dans une conception restrictive où on les place face à leur hiérarchie. Des espaces de discussion sur le travail qui favorisent l’élaboration, ensemble, des réponses aux problèmes posés : organisation de l’activité, qualité du travail réalisé, conditions de travail.

Le Code du travail autorise d’ailleurs l’expression collective des salariés dans l’entreprise. A ce titre, les groupes d’expressions directs et collectifs des salariés (articles L.2281.1 à 12 du Code du travail) peuvent être réactivés.

C’est avec cette démarche que les représentants CGT et Ufict-CGT souhaitent vous aider (individuellement et collectivement) à appréhender efficacement et offensivement « l’épreuve de l’évaluation » pour que chacun trouve du sens à son travail, puisse s’y épanouir et y être reconnu individuellement dans des collectifs de travail revitalisés.

Le rôle de l’entretien n’est pas de porter un jugement sur le salarié mais d’apprécier sa contribution à un projet nécessairement collectif.

L’Ufict-CGT a travaillé sur cette question de l’évaluation et édité plusieurs matériels comme, par exemple, la brochure qui rend compte du colloque Travail : L’évaluation en question.

Tous ces éléments, consultables sur notre site internet, sont autant de points d’appui pour construire des alternatives à partir de ces questions : que faut-il changer pour que l’entretien annuel réponde aux attentes des salariés ?

Comment évaluer le travail avec des critères plus objectifs qui lui donnent un autre sens et une autre finalité à l’entreprise ?

Lors de la préparation de votre entretien individuel, n’hésitez pas à en discuter avec vos collègues et votre supérieur hiérarchique : l’évalué autant que l’évaluateur y ont intérêt.

De même, avec votre syndicat Ufict-CGT, participez à mettre en débat ces questions essentielles pour donner une dimension nouvelle à l’évaluation et mieux en mesurer les enjeux… pour ne pas la subir.

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