Un nouveau rôle pour les infirmier·ère·s en santé au travail

[Options 643 janvier 2019] Le décret 2012-136 de 2012 a transformé la médecine du travail en donnant de nouvelles prérogatives mais aussi de nouvelles responsabilités aux infirmier·ère·s. Des opportunités pour un métier encore trop peu reconnu, notamment dans nos entreprises.

Aujourd’hui, plusieurs facteurs amènent à repenser la répartition des rôles de chaque intervenant au sein des Services de Santé au Travail. Tout d’abord il faut prendre en compte la démographie du corps des médecins du travail. A titre d’exemple en 2018, à Enedis-GrDF, 43 % des médecins se situent dans la tranche d’âge des plus de 60 ans, et le manque d’attractivité de cette spécialité ne semble pas de nature à s’opposer aux difficultés de recrutement et à inverser la pyramide des âges. Ensuite, les récentes évolutions réglementaires et législatives transforment la médecine du travail en médecine de sélection de la main d’œuvre.

De nouvelles activités pour les infirmier.ère.s encadrées par un protocole

Dans ce contexte, les infirmier.ère.s peuvent se voir confier de nouvelles activités comme la mise en œuvre des « Visites d’Information et de Prévention » (VIP) définies dans le décret du 27 décembre 2016 relatif à la modernisation de la médecine du travail, voire réaliser les visites intermédiaires de salarié.e.s à surveillance renforcée (voir encart) , sachant que la loi ne fait aucune distinction entre celles faites par un médecin ou par un.e infirmier.ère.
Lors des visites VIP, l’infirmier.ère émet un diagnostic infirmier. Il·elle a donc une responsabilité qui relève d’une activité clinique et qui, à ce titre, doit être reconnue.
Toutes ces missions sont confiées aux infirmier·ère·s dans le cadre d’un protocole écrit par le médecin et qui fixe le contenu de l’obligation de moyens sur lequel l’infirmier.ère s’appuie pour pouvoir exercer cette mission. Mais la rédaction de ces protocoles ne parviendra jamais à couvrir totalement l’éventail de tous les cas rencontrés, ce qui confère une marge d’autonomie forcée aux infirmier·ère·s. Pour cela, l’infirmier·ère doit pouvoir bénéficier d’une formation adaptée, prévue d’ailleurs dans la loi El Khomri (Art R.4623-29). Il existe deux formatoins actuellement : Licence santé au travail ou Master santé, sécurité au travail.

L’infirmier.ère n’est pas considéré·e
comme salarié·e protégé·e

Le médecin du travail : un salarié protégé

L’indépendance du médecin du travail dans l’exercice de son activité est un élément essentiel de la déontologie de la profession. A ce titre, il bénéficie d’un statut de salarié protégé.
Si le Code de santé publique précise qu’en aucune circonstance l’infirmier.ère ne peut accepter, de la part de l’employeur, de limitation à son indépendance professionnelle, pour autant il.elle n’est pas considéré.e comme salarié protégé.e.
En conclusion, ce nouveau périmètre d’activité et de responsabilité de l’infirmier.ère doit se traduire par :

• Une augmentation des effectifs d’infirmier.ère.s dans les Services de Santé au Travail.

• Une revalorisation de leur classement fonctionnel et une évolution salariale qui pourrait se calquer sur le principe retenu pour les médecins du travail.

• Un statut de salarié·e protégé·e pour rendre effective leur indépendance comme le préconisait un rapport parlementaire de la commission des affaires sociales en 2017.
• Des formations qualifiantes (de type Master) dans le domaine de la clinique médicale et des interventions en milieu de travail. Dans ce domaine une formation en « pratique avancée », comme cela est déjà le cas en milieu de soin, est à mettre en place.
Pour les professionnels de santé, le budget formation devrait comporter deux rubriques : une pour la formation professionnelle (comme pour tout salarié.e) et une autre pour le Développement Professionnel Continu (DPC), qui est une obligation du Code de Santé Publique.

• Des locaux dédiés aux visites, adaptés et en nombre suffisant.

Ces propositions revendicatives nécessitent l’ouverture de négociations avec les employeurs et toutes les parties concernées. En effet, les syndicats devront notamment être vigilants pour que les employeurs ne se saisissent pas de l’occasion pour augmenter les effectifs de salarié·e·s suivis par les médecins du travail. ■

 

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