Les enseignements clés pour comprendre le télétravail

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Le télétravail a pris une importance consi­dérable depuis la pandémie de Covid-19 et s’est imposé comme un moyen efficace de maintenir une partie de l’activité écono­mique en temps de crise. En moyenne, dans le secteur tertiaire, un salarié sur cinq y a recours et dans la fonction publique, 10 % des jours sont télétravaillés.

C’est dans ce contexte et sous l’initiative de l’Ugict-CGT, qu’a été lancé le 15 décembre 2022, l’Observatoire du Télétravail et son site internet www.obstt.fr. L’Observatoire a pour but d’identifier ce qui fonctionne bien en matière de télétravail, ainsi que les domaines qui nécessitent une amélioration, ceci en s’appuyant sur différentes parties prenantes (salariés, employeurs, syndicats et chercheurs). L’Observatoire sert également de plateforme pour partager des recherches et des études de référence sur le télétravail, et c’est à ce titre qu’il a publié le 6 décembre 2023 les premiers résultats de l’enquête lancée en juillet 2023 sur les conséquences du télétravail et du travail hybride.

Lors d’une conférence de presse, Caroline Diard, membre du comité scientifique de l’Observatoire, Caroline Blanchot et Emmanuelle Lavignac, dirigeantes de l’Ugict-CGT, ont présenté les premiers enseignements de cette enquête, résumés en 10 points.

1.  Le « profil type » du télétravailleur est une télétravailleuse !

Le télétravail est devenu une pratique courante en France. En 2023, 42 % des salariés déclarent télétravailler au moins une fois par semaine, contre 20 % en 2019. Une augmentation particulièrement marquée chez les femmes qui sont plus nombreuses à télétravailler que les hommes (57 % contre 43 %). Le profil-type du salarié concerné par ce mode de travail est une femme jeune (30-39 ans), cadre dans le secteur privé.

2.  Un télétravail hybride plébiscité pour équilibrer vie professionnelle et vie personnelle

Aujourd’hui le télétravail est hybride. 48,15 % des télétra­vailleurs répondent qu’ils ne souhaitent ni plus ni moins de télétravail et plébiscitent un télétravail hybride, à rai­son de 2 jours par semaine en moyenne, en dehors des locaux de leur entreprise.

3.  Échapper au « métro, boulot, dodo »

Les télétravailleurs apprécient de pouvoir organiser leur temps de travail selon leurs contraintes personnelles, de réduire leur temps de transport et de bénéficier d’un meilleur confort de vie. Pour 51 % le télétravail permet de ga­gner entre 1 h à plus d’1 h 30 de temps de trajet. Ce temps gagné est utilisé majoritairement pour la vie de famille ou pour le repos.

4.  Un gain de productivité mais toujours pas de droit effectif à la déconnexion !

Néanmoins, l’enquête démontre que le télétravail induit des difficultés à distinguer le temps consacré au travail du temps consacré à la vie de famille ou à la vie sociale. La pratique du télétravail rend plus floue la gestion du temps de travail. 55 % des répondants disent qu’il n’y a pas de dispositif d’évaluation du temps de travail dans leur Entreprise, et 58 % déclarent qu’il n’y a pas d’évaluation de leur charge de travail. En outre, seulement 36 % des répondants bénéficient d’un dispositif de droit à la déconnexion entré en vigueur le 1er janvier 2017.

5.  Télétravail et forfait-jours : le cocktail explosif !

Près d’un répondant sur deux est au forfait-jours (48 %). Pour eux, le télétravail a pour conséquence une augmen­tation du temps detravail. 26 % d’entre eux répondent « Très bien » à la question « Comment vivez-vous votre situation en télétravail ? » contre 30 % de salariés au ré­gime horaire. Associé au télétravail, le forfait-jours peut créer un cocktail explosif. La France a été condamnée à cinq reprises par le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) à l’initiative de l’Ugict-CGT car le forfait-jour ne garantit pas le droit à une durée raisonnable de travail.

6.  Un inadmissible report du coût du travail sur les télétravailleurs.ses

42 % des télétravailleurs indiquent que leur employeur ne participe pas financièrement aux frais induits par le télétravail (hors frais de restauration). Pourtant, les employeurs bénéficient d’exonérations de cotisations et contributions sociales pour la prise en charge des frais in­ duits par le télétravail à hauteur de 10,40 € par journée de télétravail. Cette non prise en charge des frais entraîne un report du coût du travail sur les télétravailleurs et permet aux employeurs de réaliser des économies considérables.

7.  Les employeurs se défaussent de leur responsabilité en matière de protection de la santé

Si le télétravail a un impact positif sur la productivité des salariés, 68 % des télétravailleurs déclarent être plus pro­ductifs en télétravail grâce à la diminution des interrup­tions et des distractions, celui-ci pose toutefois des défis en matière de santé et de sécurité. 57 % des télétravailleurs déclarent ressentir des troubles musculo-squelettiques (TMS) au moins occasionnellement et sont également plus exposés au risque de burn-out et de surcharge de travail. Par ailleurs, un tiers des répondants (31 %) déclarent té­létravailler tout en étant malade. Un résultat qui met en exergue les manquements des employeurs compte tenu de leur obligation de sécurité.

8.  Réorganisation à marche forcée des espaces de travail

Le développement du télétravail a eu pour conséquence l’accélération des réorganisations des espaces de travail. Celles-ci sont faites souvent au pas de course et sans consulter les salariés ou leurs représentants. 32 % des répondants déclarent que la mise en place du télétravail s’est accompagnée d’une réorganisation de leur espace de travail en « flex office » et plus de la moitié (56 %) in­diquent ne pas avoir été informés par leur direction de la réorganisation de leurs espaces de travail. Cette difficulté liée au nombre limité de postes de travail disponibles sur site, induit une nouvelle charge mentale mais aussi une insécurité dans la situation de travail qui sont vectrices de risques psychosociaux (stress, violences).

9.  Le management à distance oublié…

Les managers se sentent souvent impuissants dans l’exer­cice de leurs fonctions. Ils sont confrontés aux difficultés (isolement, épuisement professionnel…) que peuvent éprouver les membres de leur équipe. Le télétravail com­plique, voire rend impossible, l’exercice adéquat de leurs responsabilités et la détection des premiers signes de ma­laise au travail. Plus de la moitié (57 %) des responsables pensent que le télétravail rend leur tâche de gestion plus complexe, 47 % soulignent la difficulté à maintenir une cohésion de groupe entre les employés en télétravail et sur site.

10.     La complexité du syndicalisme à distance

Le développement du travail à distance bouscule les pra­tiques syndicales. La crise sanitaire causée par l’épidémie de Covid-19 et la dispersion forcée des employés qui en a résulté ont mis en évidence le besoin de maintenir le lien entre les salariés et leurs représentants. Or 65 % des syn­diqués déclarent ne pas parvenir à garder un lien avec les salariés en situation de télétravail. Cette évolution affecte les sujets structurants du syndicalisme : statuts d’emploi, façons de travailler, contenu et sens du travail, formes de solidarités…

Le télétravail est une tendance qui devrait se poursuivre dans les années à venir.

L’enquête de l’Observatoire du télétravail montre que le télétravail est une solution appréciée des salariés, et qu’il peut avoir des impacts positifs sur la productivité. Toutefois, il est important de mettre en place des mesures pour favoriser le développement du télétravail tout en assurant la santé et la sécurité des salariés. A cet effet, l’Observatoire formule plusieurs recommandations :

  • Mettre en place un accord collectif afin de définir les modalités de mise en œuvre du télétravail dans l’entre­prise, notamment les conditions d’éligibilité, les moda­lités de demande et d’acceptation, ainsi que les règles de santé et de sécurité.
  • Former les salariés au télétravail afin de leur permettre de connaître les bonnes pratiques et de prévenir les risques liés à cette forme de travail.
  • Mettre à disposition des équipements nécessaires et adaptés pour travailler à distance, notamment un ordi­nateur portable, une connexion internet haut débit et un bureau ergonomique.
  • Organiser des temps de présence sur site pour permettre aux salariés de maintenir le lien social et de bénéficier de l’appui de leurs collègues.

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